Cercle d’histoire et d’archéologie de Saint-Ghislain et de la région

En janvier 2023, lors d’une conférence au Cercle d’histoire et d’archéologie de Saint-Ghislain et de la région, nous avons présenté un document unique et remarquable: le recueil des baux annuels d’exploitation du charbon par veine octroyés par l’abbaye de Saint-Ghislain datant de la fin du 17e siècle. Ce document emblématique des collections du SAICOM vient en effet étayer les preuves d’une exploitation proto-industrielle du charbon dans le Couchant de Mons et plus précisément dans les fosses du Bois de Saint-Ghislain à Dour, sujet de notre conférence. Nous avons tout d’abord évoqué les nombreux vestiges proto-industriels dans le Bois de Saint-Ghislain grâce notamment à l’apport des cartographies. Cependant, les exploitations à l’origine de ces vestiges sont mal documentées. Hormis les travaux de Gonzalès Descamps et de l’ingénieur des mines Gustave Arnould, qui apportent une série d’informations sur l’exploitation houillère du Couchant de Mons durant l’Ancien Régime, peu de traces nous sont restées pour les étoffer. Et ce, surtout en raison de l’incendie survenu en 1940 dans les locaux des Archives de l’Etat à Mons où étaient conservées les archives de l’abbaye de Saint-Ghislain. D’où l’importance du recueil des baux pour combler en partie les lacunes. Descamps évoque d’ailleurs l’importance des sources que sont les baux et comptes de charbonnages de l’abbaye dont il a eu connaissance avant l’incendie. Il cite en particulier un recueil de baux entre 1714 et 1739 dans lequel il a pu dénombrer plusieurs veines.

Le recueil a été produit par l’Abbaye dans le cadre de la gestion de ses biens temporels. Le but étant d’organiser l’exploitation du charbon et surtout de percevoir les droits, cens et entrecens, relatifs à cette exploitation à la fin du 17e siècle. 

Il est vite apparu que nous étions en possession d’un document rare qui existait en peu d’exemplaires. Nous savions que d’autres documents existaient pour d’autres périodes mais nous n’en avions plus de trace après l’incendie aux Archives de l’Etat à Mons. Nous en avons conclu qu’il était probablement le seul recueil «rescapé» qui avait pu échapper à la confiscation d’archives de la période française et qui avait peut-être été emporté par un moine au moment de la dispersion de leur patrimoine?

Ce qui est sûr, c’est que ni Arnould ni Decamps, n’ont eu connaissance de ce recueil. Il ne figurait donc pas dans le fonds de l’Abbaye de Saint-Ghislain conservé par les Archives de l’État à Mons avant l’incendie de 1940, qui a détruit la quasi-totalité des documents de même type.

A paraître. Un livre de baux de charbonnages de l’abbaye de Saint-Ghislain

Ce qui fait donc de notre recueil un survivant rare d’une catégorie de documents utilisés dans les établissements religieux sous l’Ancien régime mais qui n’ont pas résistés aux aléas de l’histoire. Son sauvetage constitue une aubaine pour les chercheurs. 

Enfin, une série d’annotations, relatives aux dommages et aux abus des preneurs, témoignent de la volonté de tenir à jour cet outil et d’y insérer les changements rencontrés.

Les autres critères qui ont motivé le classement concernent les liens évidents avec l’histoire industrielle et plus particulièrement avec l’exploitation charbonnière en Hainaut. Car l’intérêt de ce document dépasse largement le cadre local: il fournit de nombreuses données très utiles sur l’histoire de l’exploitation houillère dans la province. Il nous renseigne en premier lieu sur les modalités d’octroi des concessions charbonnières au 17e siècle, période pour laquelle les archives de ce type sont plutôt rares.

Il fournit aussi des informations sur les acteurs de l’exploitation charbonnière. Parmi les noms des preneurs rencontrés figurent des patronymes courants dans la région (Dufrasne, Abrassart, Quenon, etc.). D’autres concernent des personnes qui ont joué un rôle important dans l’histoire de l’exploitation charbonnière dans le bassin borain. Certaines d’entre elles donneront même leur nom à différentes veines de charbon comme Andry ou Moreau… 

 C’est dans le but de le mettre en valeur que Yannick Coutiez a proposé de retranscrire les 46 baux contenus dans le recueil. Un travail minutieux de paléographie qui permet d’identifier les différents intervenants, les veines de charbon exploitées et de mieux comprendre l’organisation de l’exploitation houillère dans le bois de Saint-Ghislain. Yannick Coutiez a également pris le soin de contextualiser le recueil, ce qui apporte des éléments de compréhension bien utiles aux contenus des baux. 


Le centre d’archives privées SAICOM remercie vivement Yannick pour l’intérêt et l’analyse avisée apportés à notre «trésor» ainsi que les Archives de l’État à Mons pour son soutien et son aide dans la numérisation du registre des baux.


Isabelle Sirjacobs